Théâtre de Carouge: «Wendy et Peter Pan»: une adaptation survoltée mais inégale (2025)

Théâtre de Carouge

«Wendy et Peter Pan»: une adaptation survoltée mais inégale

Ce dépoussiérage du conte originel de J.M.Barrie opère un retour aux racines de l’histoire, dans une version mature et angoissante.

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Andrea Di Guardo

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Grandir n’aura jamais paru aussi angoissant que dans cette version sombre et cynique de «Wendy et Peter Pan». En effet, les chansons et les happy ends sont bien éloignés de cette adaptation très fidèle de l’œuvre victorienne de James Matthew Barrie, «Peter et Wendy», jouée pour la première fois à Londres en 1904. Comme il y a plus d’un siècle, Wendy est la protagoniste de la pièce.

Rompu à l’exercice de l’adaptation après sa version de «Capitaine Fracasse» en 2023, le metteur en scène Jean-Christophe Hembert fait le pari risqué de construire une distribution composée uniquement d’adultes.

Des airs de «La famille Addams»

Tout commence par une mise en abyme. Les comédiens entrant sur scène les uns après les autres en annonçant un nom et le rôle qu’ils joueront tout au long de la pièce (certains acteurs endosseront plusieurs casquettes) avant de poser pour une photo d’époque. Un portrait qui sous la lumière blafarde du flash prépare le spectateur à vivre un «Peter Pan» bien plus proche de «La famille Addams» que du dessin animé de Disney des années50.

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Le ton est donné: Mr et Mrs Darling, joués par Bruno Bayeux et Agnès Ramy, sont des parents austères et bien peu aimants, durs avec leurs deux enfants, Wendy (Judith Henry, que l’on souhaiterait voir plus souvent) et John (Loïc Varraut), rêveurs et bien décidés à ne jamais grandir. Car l’ennemi de l’enfance, c’est le temps, illustré ici à travers une horloge détraquée placée sur le mur de la chambre de la jeune fille, et qui dans les moments de tensions accélère ou ralentit le rythme de ses aiguilles.

«À 2ans, tous les enfants le savent. Deux ans, c’est le début de la fin.» Condamnée à vieillir, Wendy évoque alors le seul garçon qui ne grandira jamais: Peter Pan bien sûr (Karl Eberhard), qui ne manquera pas de la visiter cette nuit, et de l’emmener avec son frère au pays du jamais, accompagné de sa fidèle et très dévergondée Tinker Bell.

Cette première partie très réussie témoigne d’une utilisation très judicieuse et impressionnante des décors qui, au gré de l’action, virevoltent pour offrir une scène onirique et rêveuse au pays du jamais.

Un deuxième acte brouillon

Les choses se corsent ensuite. Au vu des nombreuses destinations que devront emprunter les protagonistes, force est de constater que l’on se perd un peu. Les différents rôles empruntés par les comédiens, certes très brillants dans leurs jeux, renforcent cette confusion. On passe souvent bien vite d’une scène à l’autre, sans savoir comment ou quand tel ou tel personnage est entré dans la danse.

Mais à travers la jungle, la lagune des sirènes, le bateau des pirates, et le territoire des Indiens, la pièce prend la forme d’un bal ininterrompu de mouvements, de sons et de lumières, dans une explosion des sens. Sursauts et immersions garantis.

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Cette forme survoltée mais un peu brouillonne est sauvée par un capitaine Crochet phénoménal, aussi charismatique que maléfique, pleutre autant que sanguinaire. Une performance conduite d’une main de maître par Bruno Bayeux et qui crève littéralement la scène. Mention spéciale également à Stéphane Bernard et Jacques Chambon, tour à tour pirates, enfants perdus et Indiens.

Trop d’ambitions?

Au gré d’une mise en scène intelligente qui brise ici et là le quatrième mur, au plus grand plaisir des enfants du public, on en vient tout de même bien vite à se lasser du Peter Pan égoïste et de la Tinker Bell vulgaire créés par Jean-Christophe Hembert.

Finalement très cruel, amnésique et effacé, ce Peter Pan ne s’amuse jamais. Il en devient le seul personnage véritablement mature de l’adaptation, ce qui est un comble.

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En souhaitant tout montrer sans vraiment l’expliquer, l’ensemble a du plomb dans l’aile. On pense notamment à l’oiseau blanc et au crocodile, deux formidables opportunités qui arrivent comme un cheveu sur la soupe. Le principal problème de la pièce provient alors peut-être du fait que la production a eu les yeux plus gros que le ventre.

Théâtre de Carouge, «Wendy et Peter Pan», jusqu’au 26janvier (relâche les lundis). Dès 12ans. 90’ theatredecarouge.ch

Andrea Di Guardo est journaliste à la Tribune de Genève depuis mars 2024. Attaché à la rubrique culturelle, il s’intéresse également aux sujets locaux et internationaux. Il est titulaire d’un Master en journalisme et communication et d’un Bachelor en sciences politiques.Plus d'infos

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